Dans l’espèce analysée, une salariée est employée en qualité de secrétaire comptable depuis 10 ans.
Elle est agressée sur son lieu de travail par l’épouse de l’employeur (tiers à l’entreprise) et placée en arrêt de travail.
Elle saisit le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur et sa condamnation à des dommages-intérêts.
La Cour d’Appel déboute la salariée de sa demande se basant sur l’argumentaire de l’employeur qui plaide la force majeure.
La parade est tout à la fois astucieuse et audacieuse.
Pour rappel, la Cour de cassation a érigé sur le fondement des dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du Travail l’obligation (contractuelle) de sécurité de résultat de l’employeur.
Ce texte prévoit que :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Or, l’article 1148 du Code Civil inséré au Titre III du Code Civil intitulé « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général », Chapitre III « De l’effet des obligations », Section 4 « Des Dommages et Intérêts résultant de l’inexécution des obligations » dispose qu’« Il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».
Ainsi, la force majeure permettrait « astucieusement » à l’employeur d’échapper à son obligation de sécurité de résultat.
On rappellera cependant que la force majeure s’entend d’un évènement revêtant les critères suivants :
- Extériorité : l’événement est extérieur à la personne mise en cause,
- Imprévisibilité : dans la survenance de l’événement,
- Irrésistibilité : l’événement est insurmontable.
L’argumentaire est donc « audacieux » car la force majeure s’entend généralement d’une catastrophe naturelle et non du « raptus » de l’épouse du dirigeant fût-elle un tiers à l’entreprise.
Mais à dire vrai, l’employeur n’avait guère le choix que de tenter l’argument dans la mesure où la Cour de cassation a déjà jugé que l’employeur sous couvert de l’obligation de sécurité de résultat peut être responsable d’agissements de tiers à l’entreprise en matière de harcèlement moral (Cass soc 19 oct 2011 09-68.272).
Et ce d’autant que la parade a failli fonctionner ….
En effet, la Cour d’Appel -s’appuyant sur les critères de la force majeure- retient qu’aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est caractérisé en raison de la cause étrangère exonératoire que constitue le fait d’agression, imprévisible et irrésistible commis par son conjoint, tiers à la relation de travail.
Elle relève également que l’employeur non présent lors de l’agression n’avait jamais été prévenu d’un risque quelconque encouru par la salariée.
La Cour de cassation censure cette analyse estimant qu’il s’agit de « motifs impropres à établir le caractère irrésistible et imprévisible de l’événement ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail ».
Cass soc 4 avril 2012 n° 11-10.570