Le nouveau texte incriminant le délit de harcèlement sexuel devrait être adopté à la rentrée.
Pour rappel, depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 4 mai 2012, le délit de harcèlement sexuel, tel que défini à l’article 222-33 du Code Pénal, n’existe plus et ne peut donc plus donner lieu à aucune condamnation (Cons. const., 4 mai 2012, déc. no 2012-240 QPC).
Le texte litigieux définissait le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui pour obtenir des faveurs de nature sexuelle » qu’il réprimait d’un an d’emprisonnement et de 1500 € d’amende.
Or, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé qu’ en punissant « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle sans définir précisément les éléments constitutifs de ce délit, la disposition contestée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique ».
Une abrogation non sans conséquence pour les justiciables dont les dossiers n’étaient pas définitivement jugés avant le 5 mai 2012, date de publication de la décision du Conseil Constitutionnel au Journal Officiel.
En effet, les Sages ont décidé que : « l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ».
Autrement dit, les affaires en cours non jugées définitivement au pénal au 5 mai 2012, doivent faire l’objet d’un classement sans suite ou d’une relaxe.
Le nouveau gouvernement avait réagi en demandant aux Procureurs, dans une circulaire du 10 mai 2012, de continuer les poursuites sous d’autres qualifications (violences volontaires, harcèlement moral, tentative d’agression sexuelle) dans l’attente du projet de Loi.
Restait la question du délit de harcèlement sexuel au travail faisant l’objet d’une incrimination spécifique à l’article L1155-2 1er alinéa du Code du Travail :
« Les faits de harcèlement moral et sexuel définis aux articles L 1152-1 et L 1153-1 sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3750 euros ».
L’article 1153-1 du Code du Travail précisant quant à lui que « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».
Le délit prévu par le Code du Travail a donc une rédaction similaire au délit pénal abrogé par le Conseil Constitutionnel.
Ainsi, de nombreux commentateurs ont avancé une possible question prioritaire de constitutionnalité sachant que le Conseil Constitutionnel a laissé entrevoir sans suspense, la réponse qui y serait apportée dans le dossier accompagnant sa décision :
« Au-delà du Code Pénal, le harcèlement sexuel est défini de manière comparable dans le Code du Travail (…). Si ces dispositions ne sont pas contestées, elles sont nécessairement liées au sort de la QPC puisque leur contenu est proche de la disposition contestée ».
Position là encore, source d’instabilité juridique concernant les dossiers prud’homaux en cours de licenciement fondés sur des agissements de harcèlement sexuel.
Dans ce contexte, en toute hâte, un projet de Loi a été présenté en Conseil des Ministres le 13 juin, qui propose la réinscription du délit de harcèlement sexuel dans un nouvel article 222-33 du Code Pénal ainsi rédigé :
I. – Constitue un harcèlement sexuel, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant.
II. – Est assimilé à un harcèlement sexuel et puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, le fait mentionné au I qui, même en l’absence de répétition, s’accompagne d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, à son profit ou au profit d’un tiers.
III. – Les faits prévus au I sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende et ceux prévus au II sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis :
« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. »
Ce projet, qui s’inspire très largement des directives européennes, introduit dès lors dans la définition du délit de harcèlement sexuel, trois niveaux emportant une graduation des peines encourues qui sont substantiellement alourdies :
Niveau 1 : Le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant, est puni d’un an d’emprisonnement.
Niveau 2 : L’atteinte à la dignité de la personne consistant à faire du chantage afin d’obtenir de manière pressante une relation sexuelle, est punie de 2 ans d’emprisonnement.
Niveau 3 : Les mêmes atteintes portées par une personne ayant autorité sont plus sévèrement punies – jusqu’à 3 ans d’emprisonnement (personne ayant autorité de par sa fonction/ victime de moins de 15 ans/ victime considérée comme une personne vulnérable/ pluralité des auteurs et complices).
Le Code du Travail est également modifié, le nouvel article L 1153-1 renvoyant expressément aux dispositions de l’article 222-33 du Code Pénal :
« Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l’article 222-33 du Code Pénal ».
Selon les prévisions du gouvernement, le texte définitif devrait être adopté à la rentrée.