Bref rappel : l’employeur a la faculté de mettre en place une Charte d’utilisation du matériel informatique.
L’intérêt de rédiger une telle charte est en effet de permettre de fixer des règles d’utilisation de l’outil informatique (opérations interdites, règles de confidentialité etc..), d’informer le salarié concernant la mise en place éventuelle de moyens de surveillance de leur activité professionnelle, de prévenir des pratiques illégales voire illicites etc..
Si le défaut de mise en garde sur l’utilisation répréhensible des outils informatiques dans le Règlement Intérieur ou la Charte informatique n’interdit pas de retenir en cas de licenciement la faute grave (Cass. soc., 16 mai 2007, no 05-43.455, Eve c/ Sté Info Mag), a contrario l’existence d’une telle Charte permet à l’employeur de la caractériser plus aisément.
Or l’enjeu est de taille.
C’est en effet à l’employeur qu’il revient d’apporter la démonstration que les faits reprochés au salarié « rendent impossible le maintien dans l’entreprise même pendant la durée du préavis » ou à tout le moins selon la dernière définition consacrée par la Cour de cassation de la faute grave « son maintien dans l’entreprise » (Cass soc 27 septembre 2007 n°06-43.867).
C’est l’illustration de l’arrêt commenté.
Une secrétaire à la débauche est sollicitée par un Responsable Commercial, « non habilité » et manifestement sous un prétexte fallacieux, pour obtenir un fichier client.
Au lieu d’éteindre son poste comme le prévoient les procédures, le fichier litigieux est téléchargé grâce au code d’accès de la salariée et adressé via son poste sur la messagerie du Responsable commercial.
Vu le volume du fichier à télécharger, la salariée s’absente pour se rendre à un cours de sport laissant son collègue devant son poste informatique.
L’arrêt aborde vaguement le fait que depuis lors, le Responsable commercial a quitté la société (et a peut-être pris au passage quelques clients d’où la vindicte de l’employeur contre la secrétaire…).
La Cour d’Appel reconnait la faute grave, la Cour de cassation rejetant de son côté le pourvoi de la salariée.
La Cour de cassation estime en effet « qu’en méconnaissance de la Charte informatique, la salariée avait permis à un autre salarié qui n’y était pas habilité d’utiliser son code d’accès pour télécharger des informations confidentielles » et que dès lors « ce comportement rendait impossible son maintien dans l’entreprise ».
La Charte informatique annexée au Règlement intérieur dont la salariée ne contestait pas avoir eu connaissance, prévoyait en effet que les mots de passe sont inaccessibles, faisait interdiction aux salariés de quitter leur poste de travail sans avoir terminé les fichiers créés ou ouverts, d’effectuer des opérations non autorisées et de communiquer des informations confidentielles à des tiers ou en interne.
La Cour de cassation relevant l’absence d’habilitation du Responsable Commercial, on peut tout de même supposer que la solution aurait été différente si le Responsable commercial avait eu lui-même accès aux données « confidentielles » qui lui ont été transférées grâce aux codes de la secrétaire.
La Charte informatique tout comme le Règlement intérieur est par conséquent une pièce essentielle dans un dossier judiciaire car elle est créatrice d’obligation pour le salarié.
D’ailleurs, dès lors que la Charte informatique comporte un volet disciplinaire elle est annexée au Règlement Intérieur comme c’était le cas en l’espèce.
Dans ce cas, l’employeur doit respecter la procédure de modification du Règlement intérieur, à savoir information et consultation du comité d’entreprise, communication à l’inspecteur du travail, publicité et affichage.
De même, s’il souhaite apporter des modifications ultérieures à ce document, il devra de nouveau respecter la même procédure.
Les employeurs s’interrogeront sur l’élaboration d’un tel outil qui, par-delà une approche purement disciplinaire, peut être le moyen d’engager une réflexion sur l’usage de l’outil informatique omniprésent dans l’entreprise.