Les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du Travail ne comportent aucune restriction en cas de suspension d’exécution du contrat de travail. Il faut donc décompter l’ancienneté en incluant les périodes d’arrêt de travail du salarié.
Pour mémoire, l’indemnisation des conséquences d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est régie alternativement par les dispositions des articles L 1235-3 et L 1235-5 du Code du Travail.
Ainsi, au terme des dispositions de l’article L 1235-3 du Code du Travail, les juges sont tenus d’allouer au salarié une indemnité minimale correspondant aux 6 derniers mois de salaire (bruts).
L’article L 1235-5 du Code du Travail exclut cependant cette indemnisation forfaitaire au licenciement d’un salarié « de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ».
Autrement dit, l’article L 1235-3 du Code du Travail ne s’applique que dès lors que sont vérifiées les conditions cumulatives suivantes :
– Effectif de l’entreprise supérieur à 11 salariés,
– Ancienneté supérieure ou égale à 2 ans.
Si l’une de ces deux conditions n’est pas satisfaite, on en revient selon l’article L 1235-5 du Code du Travail à une indemnisation « en fonction du préjudice subi » déterminée de manière souveraine par les juges du fond (qui ne sont pas tenus par le minimum forfaitaire prévu à l’article L 1235-3 et peuvent donc allouer plus mais également moins que le minimum).
La détermination de l’ancienneté est par conséquent une question cruciale surtout lorsque celle-ci n’est pas très importante.
Or, en principe, sauf assimilation par la Loi à des périodes de travail effectif (maternité, accident du travail dans certaines limites etc..) ou de dispositions conventionnelles, contractuelles ou d’usages plus favorables, les périodes de suspension du contrat de travail au titre de la maladie ordinaire ne rentrent pas dans l’appréciation de l’ancienneté notamment pour le calcul de l’indemnité de licenciement (Art. L. 1234-11 du Code du Travail) et du préavis (L 1234-8 du Code du Travail).
A noter que l’exclusion est dans ces hypothèses expressément prévue par la Loi.
Or, la Cour de cassation estime qu’il n’y a pas lieu de faire application de ce principe concernant l’indemnisation allouée sur le fondement de l’article L 1235-3 du Code du Travail.
En l’espèce, une salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail plus de 2 ans après son embauche en imputant divers manquements à son employeur et a saisi la juridiction prud’homale pour voir dire que cette prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner son employeur à lui payer diverses sommes et notamment des dommages et intérêts en réparation de son licenciement.
Les juges du fond, pour limiter le montant de l’indemnité allouée à la salariée à une somme inférieure au minimum de 6 mois, retiennent qu’en application de l’article L. 1235-5 du Code du Travail, la salariée bénéficiait d’une ancienneté inférieure à deux années, dans la mesure où elle s’est trouvée en arrêt de travail durant une certaine période jusqu’à la date de notification de la prise d’acte de rupture de son contrat de travail.
De ce fait, la salariée a acquis moins de 2 ans d’ancienneté.
Cette analyse est cependant censurée par la Cour de cassation qui relève que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du Travail ne comportent aucune restriction en cas de suspension d’exécution du contrat de travail.
Cela impliquait par conséquent pour la Cour d’Appel de décompter l’ancienneté « périodes de maladie incluses ».
Cette analyse est logique en l’absence d’exclusion expresse comme dans les hypothèses précitées de l’indemnité de licenciement et du préavis.
Par-delà l’incidence au plan de l’indemnisation du licenciement, l’inclusion des périodes d’ancienneté emportera une autre conséquence prévue à l’article L 1235-3 du Code du Travail (et non à l’article L 1235-5 du Code du Travail).
Dès lors en effet que l’article L 1235-3 du Code du Travail est applicable, les juges du fond doivent également statuer conformément à l’article L 1235-4 du Code du Travail sur le remboursement des allocations de chômage à POLE EMPLOI dans la limite de 6 mois d’allocations (ce qui alourdira de manière substantielle la condamnation).
Cass soc 7 décembre 2011 Pourvoi no U 10-14.156